Le Forum National des Associations et Fondations tenu le 13/11/2024 a été l’occasion de revenir largement sur la situation et les évolutions du bénévolat en France.
L’IEDH a organisé sur ce sujet un atelier réunissant environ 80 personnes.
La réunion a été animée par trois intervenants issus eux-mêmes du milieu associatif :
– Cécile BAZIN Déléguée Générale de l’association Recherches et Solidarités,
– Olivier MATHIEU Cofondateur d’Indaba,
– Guillaume DOUET Directeur de l’IEDH.
Cécile a présenté les principaux résultats de l’enquête réalisée sur la France Bénévole en 2024, résultant de 2 enquêtes complémentaires, l’une réalisée par l’IFOP, l’autre réalisée auprès des bénévoles eux-mêmes.
L’enquête IFOP montre que 24% des Français sont bénévoles en association. Les évolutions majeures concernent :
• la contribution des plus âgés qui diminue tandis que le nombre des jeunes pratiquant du bénévolat est en croissance significative ;
• l’engagement régulier des bénévoles sur la semaine (9% d’entre eux qui constituent comme la « colonne vertébrale » de la vie associative) qui a tendance à diminuer ;
• la « fracture associative » (correspondant à l’existence d’une part moindre des non diplômés parmi les bénévoles) qui continue de perdurer.
Que nous disent les bénévoles eux-mêmes ?
Beaucoup d’entre eux trouvent dans le bénévolat un lieu de découvertes et de lien social (être avec les autres), un point d’engagement citoyen (être dans l’action), un lieu d’épanouissement et d’enrichissement personnel (se réaliser). Pour 45% des bénévoles, l’engagement est synonyme de plaisir et pour 38% une source d’épanouissement. 83% des bénévoles sont heureux !
Parmi les déceptions, figurent surtout des éléments liés à la vie même des associations : manques de moyens financiers ou humains, attentes non réalisées, reconnaissance insuffisante des bénévoles au sein des associations.
Finalement ce que veulent les bénévoles pour eux-mêmes, c’est avant tout être à l’écoute et attentifs aux autres, mener des projets en équipe, renforcer leurs compétences, être à l’aise dans la prise de parole, devenir plus autonomes, mieux gérer leur temps, transmettre leurs savoir-faire.
Aux 24% de français engagées dans le bénévolat, il convient d’offrir les conditions d’un parcours réussi, un parcours que les bénévoles veulent aussi évolutif et diversifié ; et n’oublions pas non plus les 76% de français qui ne pratiquent pas le bénévolat, sont privés de cette source d’épanouissement et privent les associations de leurs talents !
Prenant la parole à son tour, Olivier a confirmé que les évolutions décrites en France se développent aussi en Europe et même sur le sol américain. Il a ensuite proposé un découpage sur les formes diverses du bénévolat, une présentation sans doute encore un peu inhabituelle en France.
Ce travail de découpage permet de mieux cerner l’engagement des bénévoles. Il pose ensuite la question des moyens : de quoi a besoin chaque type de bénévolat pour réussir ? comment adapter l’accueil, la vie d’équipe, la formation etc. selon les besoins ?
On sait qu’aujourd’hui l’engagement est là, peut-être plus qu’hier, mais il faut aller le chercher et c’est plus de travail !
Alors comment faire ? équilibrer les réponses, ne pas recopier systématiquement ce qui marche dans les grosses structures, davantage respecter les droits des bénévoles.
Il appartient à chaque association d’évaluer (ou faire évaluer) ses pratiques, engager un partenariat avec le DLA (Dispositif Local d’Accompagnement de l’ESS), s’intéresser aux productions de France Bénévolat, consulter le Guide du Bénévolat de la DJEPVA etc.
Ensuite chaque association devra choisir les outils les mieux adaptés : pour les petites organisations ce seront par exemple des fiches mission, avec plus de transparence avec les bénévoles, la pose d’un cadre avec des mandats limités ; et puis peu à peu on va aller vers des dispositifs plus complets incluant de la formation, des précisions sur les fins de mandat, etc. Si l’on veut aller plus loin, on peut même envisager des dispositifs incluant la gestion de la performance etc… Bref le spectre est assez large !
Olivier a conclu son intervention en soulignant trois points :
• Tout cela n’est pas gratuit ; le bénévolat mérite d’être soutenu et il faut savoir l’encourager !
• Dans les structures qui ont des salariés, il faut inciter largement ces derniers à travailler avec les bénévoles, et les faire passer de salariés sous contrainte à des salariés professionnels de la coopération avec des bénévoles.
• Pour les bénévoles, la vie associative compte aussi ; il faut donc largement les intégrer dans la vie de l’association.
Intervenant pour clôturer la réunion, Guillaume a souhaité apporter des compléments sur la manière d’accompagner les mutations du monde associatif ; il a proposé aux participants trois questions :
Une première question à se poser est la suivante : le bénévolat est-il une ressource gratuite pour l’association ou est-ce une donnée majeure du projet associatif ?
Lorsque le bénévolat a commencé de se développer, on a souvent plaqué à son endroit des techniques de gestion des ressources humaines. Mais finalement un bénévole est-il d’abord un salarié non payé ou est-ce quelqu’un qui s’engage, un militant, un citoyen ?
Regardons les statuts, le règlement intérieur etc. et demandons-nous ce que nous voulons vivre avec les bénévoles. « Attention, dit Hubert Penicaud (qui anime la Commission Inter Associative de France Bénévolat), à ne pas réduire le bénévole à ce qu’il fait mais bien le considérer pour ce qu’il est. »
Des ouvertures ou contacts possibles (France Bénévolat etc.) ont été cités pour les grandes associations. Dans les associations plus locales, un espace de réflexion se trouve souvent dans les maisons des Associations.
Une deuxième question est aussi souvent posée : L’animation du bénévolat, c’est combien de divisions ? Et bien souvent la réponse à cette question montre un nombre restreint de personnes en charge de l’animation des bénévoles. Or on voit bien que le bénévolat se diversifie, il devient clair que l’animation du bénévolat prend et prendra de plus en plus de temps. Finalement une solution correspondant aux petites associations consiste à former des bénévoles à s’occuper des bénévoles… Dans les plus grandes organisations, il y a souvent des services dédiés à la gestion des bénévoles, que l’on espère proches de la gouvernance…
Une troisième question vient naturellement : quelles formations proposer aux bénévoles ? La réponse est fournie dans l’enquête citée par Cécile et peut se résumer au tableau suivant :
Merci à tous de votre écoute !…
Retrouvez ici la présentation présentée lors de l’atelier
Et retrouvez les articles associés :
La France bénévole 2024 : En face de l’étude réalisée, quelles suites envisager ?
Avant-propos
Lors des échanges avec les acteurs associatifs, l’équipe de l’IEDh remarque un accroissement de l’épuisement des bénévoles. Celui-ci se manifeste parfois par des plaintes mais aussi par des comportements d’évitement ou des conflits.
Les motivations des bénévoles sont variées et par conséquent la source de leur épuisement aussi.
La pause de l’activité bénévole est nécessaire en cas d’épuisement mais la prise de recul pour mieux comprendre ce qui se passe est indissociable. Il nous semble que les associations doivent aider à cette prise de recul par l’accompagnement, c’est à dire proposer des échanges et des formations qui facilitent la prise de conscience et une motivation renouvelée.
Dans un premier temps, nous avons interviewé sur ce sujet Hélène de Monclin, formatrice IEDH, et Benoit Pesme, Responsable du Réseau France à la Société de Saint-Vincent-de-Paul.
Un autre article suivra avec des témoignages de bénévoles.
Guillaume Douet, Directeur de l’IEDH
Interview
Hélène de Monclin, Formatrice à l’IEDH
Benoit Pesme, Responsable du Réseau France à la Société de Saint-Vincent-de-Paul
Interviewés par Henry Dufourmantelle, bénévole à l’IEDH
Henry : Pourquoi ce sujet est-il devenu un vrai problème ?
Benoit
Il peut paraître effectivement paradoxal que des bénévoles qui s’engagent dans une action à titre volontaire (et qui donc choisissent librement les contraintes qui vont être les leurs), en viennent quelquefois à connaître des situations graves de déséquilibre, pouvant aller jusqu’au burn-out. Et pourtant cela arrive…
En fait les bénévoles choisissent souvent de se donner sans compter (corps, esprit, rythme de vie etc.) jusqu’à oublier leur vie personnelle, leurs engagements familiaux ou sociaux antérieurs. Ils ont le cœur plein d’élan et se heurtent vite aux difficultés du cadre imposé par la réglementation et/ou le fonctionnement des associations qu’ils ont rejointes.
Se battre contre les règles juridiques, remplir des papiers, devoir rendre des comptes, les bénévoles ne sont pas venus pour ça et pourtant y consacrent beaucoup de temps et d’énergie. D’où une frustration qui grandit et s’exprime sous forme de colère, de lassitude, de mal être dans leur engagement associatif.
Hélène
Le don de soi peut en effet épuiser la personne bénévole qui veut pourtant donner le meilleur d’elle-même : sentiment d’impuissance à résoudre les problèmes qui la dépassent, inconfort de retourner à une vie plus facile après le service rendu, fatigue grandissante malgré l’expérience…
Dans bien des cas, la transition entre le don matériel (nourriture, vêtements, logement etc.) et l’accompagnement d’une personne en précarité suscite une difficulté : donner est souvent gratifiant immédiatement ; par contre accompagner, c’est-à-dire entamer et poursuivre une relation, n’amène pas toujours une satisfaction sur le moment ; il faut accepter d’y passer du temps, se défaire de son ego pour s’intéresser vraiment à quelqu’un de profondément différent, laisser l’autre aller vers un futur qui nous est inconnu et ne dépend pas de nous.
Henry : Quel enseignement vous a appris la période Covid + confinement ?
Benoit
Ce fut une période difficile, autant pour les bénévoles que pour les personnes servies par le milieu associatif ; les rassemblements n’étaient plus autorisés, la rencontre – qui est l’objet même de la Société de Saint-Vincent-de-Paul – devenait rare ou interdite.
Il a fallu proposer aux équipes des actions plus simples (faire moins et le faire mieux, être mieux dans sa mission) et travailler sur la confiance nécessaire entre bénévoles.
Nous nous sommes rendu compte que l’échange de bonnes pratiques et le partage des bénévoles en équipe sur ce qu’ils vivent restent des éléments déterminants notamment quand l’environnement est difficile.
Henry : Une formation proposée par l’IEDH a pour titre « Prendre soin de soi, s’engager sans s’épuiser ». Le contenu de cette formation ne vous paraît-il pas un peu trop tourné vers le bien être des bénévoles et insuffisamment sur la réussite de leur engagement ?
Hélène
En même temps que l’on encourage le mouvement associatif, pourquoi ne pas aider les bénévoles à maîtriser les difficultés rencontrées au fur et à mesure de leur action ?
Nombreuses sont les associations qui ont pris conscience qu’elles doivent prendre soin des bénévoles qui rejoignent leur mouvement ; et il leur arrive de constater comme un changement de dynamisme de ces derniers au bout d’une première période d’engagement.
Henry : A quoi mesure-t-on l’épuisement d’un bénévole ?
Hélène
Souvent il s’agit essentiellement d’un épuisement moral : à quoi sert ce que je fais ? je n’arriverai pas à changer le cours des choses ! je ne vois pas les conséquences de mon action !…
D’autres réactions peuvent aussi se produire : la colère, l’éparpillement, le mal être…
Benoit
On voit aussi des difficultés dans la conduite des équipes, une absence de recul devant les difficultés, une incompétence à gérer les crises ; la violence exprimée par des personnes en détresse, les conflits intergénérationnels par exemple deviennent difficiles à gérer.
Henry : Quel est alors l’aide proposée à un bénévole épuisé ou au bord de l’épuisement ? Sans doute autant de bénévoles, autant de solutions envisageables !?
Hélène
Une première idée est tout simplement de prendre un peu de repos… Pourquoi ne pas faire une pause, diminuer son investissement ? avec un peu de recul et la fatigue qui disparaît, ce sera plus facile d’y voir clair ! cela permettra aussi de mieux définir quel est l’engagement pris par chacun ? est-ce bien moi qui veux être bénévole ? ou ai-je pris cet engagement pour répondre à des invitations extérieures, ne suis-je pas dépendant d’une image que je veux offrir aux autres ?
Une deuxième idée est de proposer au bénévole d’approfondir ce qui le nourrit profondément.
Souvent, en creusant les raisons de son épuisement, le bénévole se rend compte qu’il porte sur lui-même l’image de quelqu’un d’indispensable, qu’il se sent porteur de quelque chose que les autres assurément n’ont pas. Dès qu’il se rend compte que les personnes à aider ont elles aussi des atouts à mettre en œuvre et vont se développer par elles-mêmes, il va pouvoir déposer son excès d’énergie et finalement aller mieux.
Pour beaucoup de bénévoles, l’essentiel du changement à opérer consiste donc à se décentrer de soi-même et porter un regard de dignité, poser un projet de développement sur les personnes en précarité qui l’entourent…
Quand on est clair là-dessus, c’est plus facile de dire oui à ce qui me fait vivre et de dire non aux invitations contraires. Des exercices peuvent m’aider à reprendre la maîtrise de mes réponses positives ou négatives à la vie qui m’entoure.
Si la réponse vis-à vis d’un engagement associatif est difficile à trouver, il peut être proposé à la personne bénévole de s’intéresser à ses autres engagements (associatifs, professionnels, personnels ou familiaux etc.)
Benoit
L’essentiel est effectivement de revenir sur l’objectif poursuivi par le bénévole : comment être heureux dans l’action déployée ? comment passer à l’acte en étant pleinement investi, en donnant le meilleur de soi-même sans surestimer ses forces ?
Il faut aussi souligner l’importance du cycle d’intégration qui va permettre de préparer chacun à sa nouvelle activité, en mesurer à la fois la grandeur mais aussi ses contraintes et et ses limites… Souvent d’ailleurs ce cycle préparé avec des formateurs de l’extérieur peut faciliter la prise de recul et l’expression des vraies attentes de chacun.
Depuis le Covid, nous savons aussi ne pas attendre les crises et assister de façon efficace les équipes dans leur fonctionnement régulier.
Henry : Finalement comment résumer l’intérêt d’une formation « anti-épuisement » pour les bénévoles ?
Hélène
L’objectif de la formation est finalement de surmonter les passages moins porteurs, de retrouver et tenir son engagement dans la durée, d’y trouver son épanouissement.
Benoit
Savoir-faire et savoir être sont complémentaires mais ne se confondent pas. Nous invitons les bénévoles à se déployer sur chacune de ces deux dimensions sans les confondre.