Cécile Bazin Guillaume Douet
Directrice de Recherches et Solidarités Directeur de l’IEDH
Interviewés par Henry Dufourmantelle, bénévole à l’IEDH
1/ Pourquoi cette enquête IFOP sur la France Bénévole 2024 et pourquoi le BOB (Baromètre d’Opinion des Bénévoles) ?
Cécile
Jusque récemment, l’enquête IFOP avait lieu tous les 3 ans (plus de 3000 personnes interrogées, représentatives de la population française). Mais à partir de 2022, quand on a constaté que le bénévolat après Covid n’avait repris son niveau antérieur, on a demandé à l’IFOP de reprendre son étude en 2023 et 2024. Heureusement l’IFOP a enregistré une reprise de l’engagement et son étude 2024 nous donne une nouvelle occasion d’approfondir les évolutions au sein du monde associatif.
En complément, R&S a mis en place un Baromètre d’Opinion des Bénévoles. il s’agit d’une analyse annuelle réalisée en interne, avec des questions nouvelles ou récurrentes selon les années. Il s’agit là de partir du témoignage des bénévoles pour voir comment ils vivent leur engagement et voir quels enseignements les associations peuvent en tirer pour leur stratégie d’animation, d’accueil, de fidélisation des bénévoles.
La préoccupation de Recherches et Solidarités, c’est d’améliorer la connaissance, suivre les évolutions du secteur associatif, en partager les résultats avec tous les acteurs de l’écosystème associatif.
Guillaume
L’intérêt de ces études régulières, c’est finalement surtout de permettre aux dirigeants de prendre du recul par rapport aux évolutions du monde associatif, de pouvoir sortir des représentations qui ne sont pas toujours le reflet de la réalité.
2/ Qu’apporte de particulier le partenariat instauré entre Recherches et Solidarités et l’IEDH ?
Guillaume
Travailler en partenariat est un des fondamentaux de l’action associative. Pour l’IEDH, le travail en commun avec Recherches et Solidarités nous permet d’avoir une vision statistique, pragmatique de ce qui se passe autour de nous ; nous avions déjà travaillé ensemble en 2018 et il nous semble naturel de reprendre aujourd’hui cette coopération.
Cécile
Outre la facilité et le plaisir de travailler ensemble, l’expertise de l’IEDH notamment sur les notions de savoir-faire ou savoir-être, sur la formation comme moyen essentiel de développement, nous paraît déterminante. Recherches et Solidarités a pour habitude de s’entourer de partenaires pour bénéficier de leur expertise sur des sujets communs et/ou complémentaires. Sur le sujet du bénévolat, l’équipe de R&S sollicite, chaque année, de nombreux partenaires pour avoir leur avis sur le questionnaire du BOB et bénéficier de leurs moyens de diffusion de l’enquête.
3/ Les principaux enseignements de l’enquête IFOP : Peut-on établir un lien entre les commentaires généraux de l’enquête (voir synthèse ci-dessous) et d’autres observations d’ordre économique, social, culturel faites par ailleurs sur la France d’aujourd’hui ?
La recherche de sens, qui s’accroît, notamment chez les plus jeunes, dépasse largement la France bénévole…
De même la fracturation constatée entre les bénévoles diplômés et les autres est une expression des multiples fracturations de la société actuelle (fracture sociale, économique, territoriale…).
Attention toutefois aux clichés et aux généralités : il y a une grande diversité de situations dans le monde du bénévolat, comme d’ailleurs au sein de la société française.
4/ Concernant les réponses apparues dans le BOB cette fois, une observation importante porte sur la passion et la générosité qui perdent de l’importance, alors que la citoyenneté, l’action et le souci d’être utile augmentent… Quelles évolutions les associations pourraient-elles conduire pour transformer ce message en action ?
L’étude IFOP et le BOB montrent qu’il y a aujourd’hui une diversification de l’engagement, dépendant du profil d’engagement, des motivations, de l’âge. Cette diversification demande donc aux associations de faire de plus en plus de sur-mesure : diversifier les parcours d’accueil et d’engagement, adapter les formations. Les associations sont ainsi amenées à consacrer de plus en plus de temps à accompagner l’engagement et le bénévolat. Un bénévole n’est pas seulement de la « ressource gratuite », il n’est pas un salarié non rémunéré. Il a besoin de temps pour être accueilli, formé, écouté.
5/ Concernant les souhaits pour demain, il y a des réponses demandant plus d’engagement et de travail, d’autres au contraire demandant un engagement moindre en temps et une organisation plus souple avec du télétravail ; le télébénévolat permettrait-il de mieux répondre aux attentes des uns ou des autres ?
Le facteur temps est évidemment essentiel dans l’engagement du bénévole. Et trop souvent les associations s’appuient sur les habitudes acquises en mode présentiel. L’évolution se dessine en valorisant le sur-mesure ; mais attention toutefois au fait que le télébénévolat ne convient pas à tout le monde !
Par ailleurs le fait de vouloir plus de responsabilités ne signifie pas systématiquement un désir de participer davantage à la gouvernance de l’association. Ce peut être seulement un désir d’autonomie et liberté dans le périmètre d’un bénévolat de terrain !
Guillaume
On voit tout de même clairement ici que les réponses des bénévoles sont différentes des représentations que les dirigeants d’associations se font généralement quand ils désespèrent de ne pas pouvoir trouver leurs successeurs. D’où l’intérêt de passer du temps avec les nouveaux bénévoles pour répondre pleinement à leurs attentes.
Car un bénévole mécontent ne dira pas toujours pourquoi il veut partir, il dira souvent qu’il n’a pas plus de temps disponible.
6/ parmi les attentes exprimées par les bénévoles, la formation occupe une place importante.
Quelles pistes nouvelles pour le monde associatif ?
Ce qui frappe dans les réponses des bénévoles, c’est à la fois la diversité des types de formations attendues et aussi le taux élevé d’intérêt pour la formation.
Le mot formation couvre en fait aussi bien le partage d’expérience en interne ou externe, l’alliance entre action et réflexion, l’appui du distanciel en complément du présentiel, l’acquisition de savoir-faire autant que de savoir-être ; bref il appartient à chacun (l’association, l’organisme de formation, la personne désirant se former) de définir sérieusement l’objectif de formation, les moyens mis en place et l’évaluation.
7/ L’acquisition ou le renforcement des compétences sont largement soulignées. Est-ce bien ce que proposent les associations aux bénévoles ?
Guillaume
Sans doute les organismes de formation ont-ils répondu à la demande des associations en voulant renforcer en priorité les compétences dures (le savoir-faire) ?
On s’est rendu compte que l’on oubliait sans doute un peu les compétences douces et plus encore on s’est rendu compte de l’importance à donner à l’esprit collectif. Aujourd’hui notre offre se déroule sur tous ces aspects, sans en oublier aucun.
La 1ère étape consiste à accueillir des bénévoles ; ensuite la 2ème étape consiste à définir avec chacun d’eux un parcours individuel incluant activité, formation, acquisition de compétences, etc.
Cécile
Les questions sur les compétences douces ont été posées cette année pour la 1ère fois. Et elles ont aussitôt été largement commentées : l’altérité, le collectif, faire des choses ensemble arrivent en tête des réponses. L’enquête permet de mettre en avant tout ce que l’engagement peut apporter comme compétences nouvelles et aptitudes. Il faut faire attention cependant, à ne pas donner une image du bénévolat qui pourrait être perçue comme « élitiste » et dissuader les personnes déjà les plus éloignées de l’engagement (les moins diplômés). Au contraire, il convient de lever les obstacles qu’ils rencontrent pour participer à la vie associative (freins économiques, culturels…), les encourager à s’impliquer et les accompagner dans leur parcours bénévole pour qu’ils bénéficient de tout ce qu’ils peuvent en tirer.
8/ En conclusion le BOB souligne toutes les diverses potentialités de la vie associative.
Ne serait-ce pas un peu trop beau pour être vrai ?
Cécile
Lieu d’épanouissement personnel, lieu de découvertes et d’échanges, lieu d’information et de formation, la vie associative se montre à la fois plus riche et plus diverse qu’on le dit généralement. Mais l’étude montre des évolutions rapides auxquelles les associations doivent s’adapter sans délai, et souvent avec difficultés. Rendre compte des points positifs ne veut pas dire s’endormir !
Guillaume
Au moment où l’isolement social est important, le lien associatif paraît particulièrement précieux !
Pour autant écouter davantage les besoins des bénévoles, revoir l’organisation des associations, oser de nouvelles pratiques, paraissent nécessaires !